C'est une histoire à raconter, à glisser à l'oreille des enfants.
Oreille de lièvre ( leporina), d'âne (onotica), en coquillage (cochleata), charmante (concinna)...
Le hasard, qui ne sait pas quoi faire de son temps, nous poursuit de son zèle... jusqu'à nous faire croire qu'il nous destine, dans son grand plan séculaire, à chercher sans fin.
Mais qu'est-ce qui a bien pu me faire trouver cette Otidea tranquille qui ne voulait pas devenir célèbre?
Depuis 2-3 semaines, je cours les prairies, plié, rampant, pour voir les géoglosses... et comme c'est le bon moment, que le temps est assez doux, et que le vent du nord va voir ailleurs, dessécher l'Anjou par exemple, je visite les milieux qui se ressemblent, à expositions semblables ou différentes, histoire de découvrir si possible de nouvelles stations, ou de nouvelles espèces. Je viens de trouver pour la première fois Trichoglossum walterii. Les géoglosses poilus sont rares ici, et peu nombreux... quand on a la chance d'en récolter.
Une nouvelle pâture envisagée, j'y passe, rien.

Rentré je m'aperçois que j'ai perdu mon étui de coolpix. Le lendemain, parcours à l'envers, plusieurs prés, chemins, et puis ce talus sous ces douglas que je n'aime pas... je tombe sur une otidée jaune, pas très jeune, bien ouverte, avec les pointes cuites par l'âge ou le froid.
La micro me donne des spores petites, moins de 12 microns. La couleur plus saturée éloigne Otidea concinna, citrine, que je trouve sous douglas. Me souvenant d'un envoi de Gérard notre Cantalou et de l'examen que j'en avais fait, tout devient clair. Otidea tuomikoskii.

Deux jours plus tard, j'en ai récolté de jeunes, bien typiques, oreilles allongées, et j'avais sur les anciennes, les rides longitudinales remarquables.
Espèce signalée pour la première fois en France en 2006, mais connue vraiment depuis 2008.
Elle semble bien présente dans l'ouest, est signalée dans le Doubs ( forme à hymenium blanchâtre) et dans le Cantal...
Serait-elle en extension? ou bien n'était-elle pas séparée d'autres espèces proches, comme Otidea leporina, à hymenium brunâtre.

Je reviens à mon aventure... Le plaisir de découvrir une espèce nouvelle, satisfaction personnelle de peu d'importance pour mon voisin, tient à ce jeu du regard qui cherche, au pas lent du retraité, à l'obligation de revenir pour un couteau perdu... tout le mystère de nos destins.
Sans crainte et sans prétention.
jean pierre

Cette espèce semble fidele, je la trouve en ce moment sous Pins dans la même station que l'année dernière.

Merci Jean Pierre pour le texte et les images.

Bonne soirée à tous

Gérard

C'est un champignon bien photogénique, j'en poste une image de quelques exemplaires récoltés sous Pinus et Abies.




Bonne journée

Gérard

Comment ne pas reconnaître les frères des miens, un peu plus jeunes parce que nés en altitude, et un peu plus frais.
Belle photo Gérard.
jean pierre

Ils ressemblent à des suricates, guetteurs des Monts du Cantal...

Suite...
Cet automne 2010 semble être dans le centre de la France, du Morvan au Cantal, exceptionnellement favorable au développement des Otidea, et Gérard comme moi en avons trouvé suffisamment pour le plaisir et pour l'embrouille.
Je veux ajouter cette récolte d'hier 15 novembre, sous épicéas, plantation bien malade, où les arbres meurent depuis les attaques de parasites ayant succédé aux étés trop secs, 2003, 2004, 2005.
Je suis arrivé un peu tard, 5-6 jours, et les limaces s'étaient gavées de l'hymenium de plusieurs exemplaires.

Cette Otidea propinquata, de couleur noisette, unicolore, se présente comme une pézize, coupe de 2-3 cm sur un pied fin radicant caché dans les aiguilles. Mais c'est une otidée par sa réaction négative à l'iode.
Sur 6-7 exemplaires, un seul, le plus grand, semblait plus ou moins fendu.
La micro montre de grandes spores courtement elliptiques, guttulées, et surtout des paraphyses complètement extravagantes, très nombreuses, ramifiées, tortues, avec des excroissances désordonnées. La seule vue de ces paraphyses permet d'envisager l'espèce.
Ce champignon a été signalé en région parisienne, dans le Jura et en Savoie, à ce que je sais, mais il serait intéressant de savoir par d'autres récoltes s'il est en expansion. Son identification, contrairement aux autres espèces du genre, semble facile et peu sujette à discussion.
Promeneurs, ouvrez les yeux, les résineux craignent un peu moins l'hiver que les feuillus.
jean pierre