Quand j'ai pris conscience de l'existence des champignons, il y a trente ans à peu près, une exposition était organisée dans mon village.
Un retraité de la région parisienne s'était installé depuis quelques années au dessus du bourg pour y finir sa vie.
Exubérant, passionné, italien d'origine, Rosaire, qui se faisait appeler César, détestant son nom, donné par son père ivre à Bizerte…
Syndicaliste, anticlérical, grande gueule et grand coeur, il avait fréquenté des mycologues à Paris et mémorisé de quoi organiser et tenir une expo correctement, avec un bagout tel qu'aucune contestation n'était possible. Il nommait tous les champignons…
Tout débutant et enflammé, je suis tombé dans son jeu et ai éclairé sa vie jusqu'à sa fin.
Lui et sa discrète épouse nous ont aimés comme leurs enfants.
L'automne me mène au cimetière chaque année, où reposent mes pères, instit, lui, et mon père de chair. Je les visite, et je dépose quelques champignons sur le granite poli de sa prison grise. Des hygrophores colorés, c'est joli et c'est la saison.
Le talus sous le vieux mur de pierres et de chaux, m'offrait aujourd'hui Hygrocybe unguinosa, Hygrocybe conica et Hygrocybe chlorophana. Plus quelques entolomes bleus.
Et puis, celui-ci, que je cherche depuis bien longtemps, sans l'avoir jamais vu.
Je sais, il n'est pas rare ailleurs, mais pour moi, c'est autre chose… le bonheur du jour.
Il est probablement "calcaire-préférant", et s'il est apparu ici, c'est peut-être lié à la présence de ce vieux mur traditionnel.
Je passe tous les ans devant ce talus herbeux, cet hygrophore aura-t-il la constance de réapparaître, alors que je ne l'y ai jamais vu…
Ils sont partout, même les capricieux, les peureux, les discrets.
Si nous allions plus doucement, comme les vieux, nous pourrions les surprendre…
jean pierre
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