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 Consommation des gyromitres dans le Cantal 
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Message Consommation des gyromitres dans le Cantal
Consommation de Gyromitra esculenta (Pers. : Fr.) Fr. 1849 et Gyromitra perlata (Fr.) Harmaja 1969 dans le Cantal, confusion des genres et des espèces.




Introduction :

Les champignons souvent se ressemblent, et bon nombre de récolteurs ne les cherchent que pour les faire cuire et les ingérer. Les noms vernaculaires des espèces peuvent différer d’une région à l’autre, lorsque ce n’est pas d’un ramasseur à un autre. La conséquence pour les mycophages est qu’ils n’ont pas toujours conscience de ce qu’ils mangent réellement.

Dans le Cantal les exemples sont nombreux, Boletus pinophilus est souvent cuisiné pour Boletus aereus, Boletus aestivalis pour Boletus edulis, Craterellus cinereus pour Craterellus cornucopiodes, et Cantharellus amethysteus, Cantharellus cibarius et Cantharellus subpruinosus rentrent dans un vaste fourre-tout nommé Girolle. Au moins s’agit-il ici de champignons du même genre, mais ce n’est pas toujours le cas.

Verpa bohemica très présente ici, lorsqu’elle est ramassée jeune est souvent confondue avec les Morchella, et lorsqu’elle est bien stipitée avec Mitrophora semilibera. Même si les genres diffèrent, on reste encore dans la catégorie des champignons reconnus comme comestibles, après cuisson appropriée.

Plus « grave », les toxiques n’effraient pas toujours les ramasseurs. Le Genre Gyromitra en est une belle illustration. Bon nombre de montagnards cantaliens appellent morille Gyromitra esculenta, et culturellement habitués à les consommer, ne prennent guère de précautions quant à leur préparation. Mon sympathique facteur a bien plus peur des chiens que des Gyromitres que lui offrent ses clients, et qu’il cuisine joyeusement dans la foulée. En Margeride, certains anciens me disent même qu’enfants ils mettaient des coups de pieds dans les morilles vraies et ne ramassaient que les Gyromitres ou ce qu’ils appellent l’oreillette (Gyromitra perlata).

Le grand nombre de dénominations, si souvent erronées, outre le fait que les mycophages ne savent pas toujours ce qu’ils mangent, complique quelque peu la détermination des espèces mises en cause dans les intoxications alimentaires. Ainsi, dans un rapport réalisé en 2007 par les centres anti poison et de toxico vigilance français, portant sur une éventuelle neurotoxicité des morilles vraies, la confusion entre les genres Morchella et Gyromitra oblige les rédacteurs du rapport à mettre de coté un certain nombre de dossiers d’intoxication, suspectant des gyromitres consommés sous l’appellation de morilles (1).


I Gyromitra esculenta :

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Concernant Gyromitra esculenta, les patients ayant nécessité une hospitalisation sur Saint-Flour sont rares. Le chef de service des Urgences qui occupe ses fonctions depuis 2000, n’a jamais été confronté à un intoxiqué présentant un syndrome gyromitrien. Le médecin retraité* qui a pris en charge le patient qui témoigne ci-dessous, n’à lui-même sur toute sa carrière été confronté qu’à cette seule intoxication due aux gyromitres.

Pourtant la consommation des gyromitres est bien ancrée chez les mycophages cantaliens. J'ai questionné 37 d'entre eux, soit directement soit par téléphone. La population de ceux qui le consomment régulièrement est des plus hétérogène, et va de l’agriculteur, en passant par l’ouvrier jusqu’au cadre supérieur. Le niveau d’étude, au vu de mon recrutement, ne semble pas avoir d’influence sur la consommation des gyromitres, plus surprenant encore est le fait que l’on retrouve dans ce recrutement des médecins et des pharmaciens, qui les mangent ou les ont mangés sans parfois même prendre soin de les faire sécher préalablement. La grande majorité des mycophages les consomme frais, se contentant de rejeter l’eau de cuisson. Environ 20% des mycophages questionnés, font sécher leurs gyromitres (voir tableau de recrutement en annexe).

Un contact téléphonique fort intéressant avec un médecin du centre anti poison de Lyon confirme les dires de l’urgentiste de Saint-Flour. Les intoxications aux gyromitres sont rares si on les rapporte à l’intérêt culinaire qu’on leur porte dans certaines régions.

Marcel Bon en 1988 considérait l’espèce comme comestible après dessiccation. On peut lire dans la réédition de 2004 de son ouvrage :

« Comestible, souvent commercialisé malgré les accidents mortels aléatoires, normalement dus à une mauvaise cuisson ou si l’on n’a pas rejeté l’eau de première cuisson ; les champignons séchés et les conserves semblent jusqu’à nouvel ordre anodins. » (Champignons de France et d’Europe occidentale, Flammarion)

Le mycophage internaute, qui chercherait à s’informer en surfant sur Wikipedia, pourrait aussi paradoxal que cela puisse paraître, lire qu’il s’agit d’une espèce toxique potentiellement mortelle, mais trouver également des conseils de préparation et une recette finlandaise pour les cuisiner.

Toutes ces informations contradictoires que l’on peut trouver dans les livres et sur internet, entretiennent un doute, et représentent parfois une justification à la « mycophagie » de ceux qui consomment dans le Cantal, depuis longtemps les gyromitres sans le moindre trouble.

Il faut ajouter à cela le fait que 7 pharmaciens questionnés le consomment pour 4 d’entre eux, ou l’ont consommé par le passé (3 pharmaciens) ; la majorité des pharmaciens, tout en insistant sur le fait qu’on leur présente rarement pour détermination des gyromitres, argumente que séchées ils ne présentent pas de toxicité et souvent même, qu’une cuisson appropriée permet une consommation de l’espèce sans risque.

Face à la divergence et au grand nombre de point de vues, quelle position adopter ?

Les médecins spécialistes qui m’ont renseigné apportent une réponse qui lève toute ambiguïté. Le Dr P. Saviuc du centre de toxico vigilance de Grenoble, insiste sur le fait que l’on se doit de déconseiller strictement leur consommation, car si l’on se réfère aux travaux de C. Andary et G. Privat, même séchés, on retrouve des traces de gyromitrine (2).

La gyromitrine, toxine responsable des troubles imputés à G. esculenta, mérite bien que l’on s’attarde un peu sur elle. Elle est métabolisée en methyl-N-formylhydrazine (MFH) précurseur de N-monomethylhydrazine (MMH) toutes deux toxiques. Elle est volatile, mais n’est pas détruite par la chaleur. Hydrosoluble, on la retrouve dans l’eau de cuisson.

Une cuisson appropriée, consistant à préparer les champignons sans couvrir la poêle, et en rejetant l’eau de cuisson, permet d’éliminer partiellement la toxine.

Elle est quasiment totalement éliminée après une dizaine de jours de séchage à l’air libre.

Les intoxications tiennent parfois à pas grand-chose, le simple fait de changer ses habitudes de préparation en couvrant la casserole, peut rendre malade une famille qui depuis toujours consommait cette espèce sans le moindre problème.

Il est intéressant de noter que la MMH, est une substance utilisée par l’industrie spatiale, dans les carburants pour moteurs de fusées. Compte tenu de cette utilisation industrielle pourtant bien éloignée du sujet qui nous rassemble ici, la toxicité des hydrazines est bien connue (3). Les atteintes sont principalement hépatiques, mais on constate également des troubles neurologiques, et des effets cancérogènes, tous les trois pouvant être reproduits lors des intoxications humaines ou expérimentales chez l’animal par Gyromitra esculenta.
Pour ceux qui les consomment, les risques d’intoxication sont multifactoriels et dépendent :

-Des quantités consommées
-De la répétition et du rapprochement des repas.
-Du type de cuisson. En dehors du fait que la toxicité serait liée à la durée de la cuisson, il semblerait que le type de cuisson entre également en ligne de compte. Ainsi, le fait en apparence anodin de recouvrir la poêle d’un couvercle semble potentialiser grandement les risques d’intoxication, en retenant l’évaporation (caractéristique propre à la gyromitrine).

En ce qui concerne les intoxications à G. esculenta, on observe une incubation de 6 à 8 heures en moyenne (4) (5). On note :

-Des troubles gastro-intestinaux (diarrhées, vomissements) accompagnés de fièvre, de vertiges, de délires, et de céphalées ; des convulsions peuvent être présentes ;
-Des troubles hépatiques pouvant conduire au décès dans environ 10% des cas d’intoxication (6) ;
-Des troubles rénaux.

Chacun assume comme bon lui semble sa « mycophagie », mais peu nombreux seraient ceux tentés de consommer, même en petite quantité, de l’essence ou du gasoil. Le fait que la MMH contribue à ce qu’Ariane 5 place une grosse dizaine de satellites en orbite chaque année, ne semble avoir aucune conséquence sur l’appétit des Cantaliens qui n’ont pas conscience de ce qu’ils mangent. Guy Fourré parle dans un article récent de « roulette russe » (7). L’expression ne paraitra pas exagérée à ceux qui, heureusement peu nombreux ont fait l’expérience d’une intoxication grave. Les mycophages se justifient parfois en mettant en avant, leur consommation familiale qui remonte à plusieurs générations, et le fait que personne n’ait jamais été malade. C’est fort heureusement très juste, les intoxications aiguës sont effectivement très rares, mais le principe de prévention se doit ici d’être appliqué, d’autant qu’il a été démontré que la gyromitrine a un effet cancérogène chez l’animal (8).
C. Andary écrit :

« Chez l’animal, l’absorption répétée, de MMH, de MFH ou de gyromitrine entraine l’apparition de tumeurs du poumon, des glandes préputiales, du foie (cellules de Kupffer et vésicule biliaire) et des vaisseaux.

B. Toth et son équipe (Université de Nebraska) ont particulièrement multiplié les expériences sur Souris et Hamsters. Ils ont montré que non seulement de faibles doses d’EG, de MFH ou de MMH sont carcinogènes, mais également une dose unique, par exemple le quart de la DL50 de la MFH chez la Souris déterminerait également des tumeurs du poumon, des glandes préputiales et du foie. » (8)

J’ajoute en observation, tout en précisant bien qu’il soit impossible de mettre en évidence un lien de causalité, qu’un mycologue de la région, m’a rapporté les faits suivants: une mycophage après avoir consommé le champignon, a fait une crise délirante et a du être hospitalisée dans un service de psychiatrie, elle en garde aujourd’hui des séquelles qui l’ont conduits à un déclassement professionnel; un autre mycophage qui le consommait très régulièrement et en grosse quantité, a déclaré une tumeur cancéreuse au cerveau dont il est décédé.

Il faut très certainement médiatiser, dans la presse locale, les risques d’intoxications dus à la consommation de Gyromitra esculenta, afin que les mycophages auvergnats y regardent à deux fois avant de récolter et de cuisiner ce que culturellement et à tort, ils appellent encore « Morilles ».



II Gyromitra perlata :

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Gyromitra perlata (auparavant Discina perlata) est classé comme répandu mais peu fréquent par les mycologues suisses (J. Breitenbach et F. Kränzlin). Ici on le nomme souvent « oreillette », plus rarement « oreille de cochon » et il est considéré comme excellent comestible par ceux qui le consomment. En Margeride, région où il est le plus récolté, il porte même le nom de « morille plate ». Un chat n’y retrouverait pas ses petits.

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Comme le montre le montage ci-dessus, sur le plan macroscopique G. perlata présente une nette ressemblance avec Disciotis venosa avec lequel il est souvent confondu. Leurs biotopes sont ceci dit bien différents, on trouve G. perlata dans les bois de résineux, alors que D. venosa est liée aux frênes et présente une odeur de chlore caractéristique. La comestibilité de D. venosa après cuisson est reconnue. Celle de G. perlata est plus controversée : J. Breitenbach et F. Kränzlin le considèrent comme comestible, nous l’avons classé dans les toxiques. Je n’ai trouvé que peu de données sur le net, certains sites le classent comme toxique ou douteux, d’autres comme bon comestible. Ici un grand nombre de mycophages le consomment sans encombrer pour autant les urgences hospitalières. Il est à noter que les habitudes changent d’une région à l’autre. Du coté de Pierrefort, G. perlata est rarement consommé, alors que sur Saint-Flour ou la Margeride, il est consommé depuis toujours. Je l’ai moi-même mangé dernièrement sans le moindre symptôme, et je le classe dans les bons comestibles sur le plan gustatif, mais mes champignons avaient été séchés.

Ceci dit, pour G. perlata, rien ne nous permet d’affirmer une toxicité comparable à celle de G. esculenta. Les nomenclaturistes ne nous facilitent pas la tache pour cette espèce. En renommant Discina perlata, Gyromitra perlata, la question d’une toxicité commune et propre au genre Gyromitra peut se poser. Dans le Cantal, parmi ceux qui consomment les deux espèces, je n’ai trouvé personne qui fasse sécher G. perlata, même chez ceux qui prennent soin de le faire pour G. esculenta. Pour les mycophages de la région, G. perlata passe pour une espèce ne présentant aucune toxicité, même chez ceux qui ont connaissance de la potentielle dangerosité de G. esculenta.

Les travaux de C. Andary, M.-J. Bourrier et G. Privat semblent confirmer l’innocuité de Gyromitra perlata, cette espèce ne faisant pas partie des ascomycètes contenant de la gyromitrine (8).

G. perlata est un champignon bien mal représenté dans les livres généralistes** actuellement disponibles. Les pharmaciens questionnés le connaissent mal ou pas, et quelques-uns uns lors de nos discussions l’ont confondu avec Disciotis venosa. En Margeride, le fait qu’il ne soit pas décrit dans les livres, n’empêche pas les mycophages de le consommer sous l’appellation de morille plate, d’oreillette ou d’oreille de cochon. Il serait intéressant de voir s’il n’y a pas ici confusion avec Disciotis venosa qui porte des noms vernaculaires assez proches. Parmi les mycophages questionnés en Margeride, quelques-uns ne semblent pas connaître D. venosa, et paraissent surpris lorsqu’on leur parle de biotopes distincts entre les deux espèces. Pour eux, ils ne ramassent que la plate qui pousse dans les bois de résineux… (donc a priori G. perlata).



III Témoignage d’un mycophage victime d’une intoxication due à Gyromitra esculenta :


Un ramasseur de Gyromitra esculenta d’une trentaine d’années qui consommait ce champignon depuis l’enfance sans le moindre désagrément, a été hospitalisé à l’hôpital de Saint-Flour, il y a une vingtaine d’années.

Je l’ai rencontré et je vais essayer de retranscrire le plus fidèlement possible sa mésaventure.

Au printemps 1992, cette famille de récolteurs se prépare à fêter autour d’un bon repas la nature particulièrement généreuse cette année là.
Dans la casserole, on trouve des gyromitres récoltés dans les bois de pins voisins, mais aussi quelques morilles vraies trouvées aux pieds des frênes.

L’abondance des récoltes successives permet de multiplier les repas, et M. X va ainsi consommer une grande quantité de champignons.
Monsieur X, précise qu’il en avait mangé les jours précédant ce dimanche midi. Sa femme pour une raison dont il ne se souvient pas, n’en mange pas. Monsieur X mange donc sans retenue une grosse assiette de ce qu’il nommait à l’époque, sans distinction d’espèces, des morilles.
Lors du repas du soir, il ressent sans trop y prêter attention une légère euphorie, comme s’il avait bu un peu trop d’alcool, ce qui n’est pas le cas. Barbouillé, il fait un repas léger.

C’est dans la nuit que se manifestent les signes de l’intoxication. M. X est pris de vomissements violents et répétés. Il présente vers 4 heures du matin des troubles neurologiques qui se manifestent par une difficulté à se déplacer, paradoxalement accompagnés d’une sensation de bien être et d’euphorie. Il m’a confié qu’il se sentait mourir, mais que cela ne le chagrinait pas.

Dans cet état second, et alors qu’il sentait ses forces l’abandonner, il se rappelle que son esprit vagabondait et s’attardait à des détails sans importance. Ainsi, il était convaincu qu’il n’aurait jamais l’occasion de visiter le Florinand qui allait ouvrir prochainement, mais bien que regrettant cet état de fait, il reste « joyeux ».

On le conduit vers 5 heures du matin aux Urgences de Saint-Flour. Incapable de marcher, mais toujours conscient il rapporte que le médecin lui affirme qu’il est très proche du coma.

Après 48 heures d'hospitalisation,, il a repris son activité professionnelle dès son retour chez lui…

Ce monsieur après sa mésaventure, a mis de longues années avant de remanger un plat de gyromitres. Il m’a avoué qu’il s’était bien documenté et qu’après un temps d’abstinence assez long, il en a consommé de nouveau, mais en petite quantité et avec un temps de cuisson qui pour lui, était approprié.

La consommation des gyromitres est culturellement bien ancrée dans le Cantal. Les Japonais ont le Fugu, les Cantaliens ont leurs « morilles » et ne sont pas près de changer leurs habitudes. Au Japon, il faut deux années d’études aux chefs pour maîtriser et être autorisés à préparer le Fugu. Ici nul besoin de diplôme pour cuisiner les gyromitres, mais deux années de communications assidues sur la toxicité de G. esculenta ne seraient pas de trop…




Conclusion :


S’il est impossible de démontrer l’innocuité de Gyromitra perlata, l’absence de gyromitrine écarte en revanche le doute d’une toxicité comparable à celle de G. esculenta.

La nature semble relativement tolérante avec certains mycophages qui consomment sans retenue un grand nombre d’espèces sans les connaître, étant souvent convaincus de ne prendre aucun risque. A leur décharge, force est de reconnaître à propos de Gyromitra esculenta*** qu’entre les informations contradictoires que l’on peut trouver dans les livres ou sur internet, ainsi que la grande diversité des conseils donnés par les pharmaciens, le flou règne...

Si l’on commercialise encore Gyromitra esculenta dans les pays de l’Est et qu’on le trouve à l’état frais sur les marchés espagnols (malgré la loi l'interdisant), il est utile de rappeler qu’un décret datant du 7 octobre 1991 interdit la commercialisation fraiche ou transformée de cette espèce en France (9). Dans les pays où il est encore en vente libre, les intoxications sont plus fréquentes qu’en France (6), ce qui ne convaincra peut-être encore pas certains mycophages se plaignant de nos interdictions.

Pourtant nous disposons aujourd’hui de suffisamment d’éléments, tant sur les risques d’intoxication que sur l’effet carcinogène de la gyromitrine chez l’animal et de la MMH chez l’homme. Nous nous en remettrons donc pour conclure, a l’avis de Régis Courtecuisse qui considère G.esculenta « toxique voire mortel dans certaines conditions » (10), à celui de Pierre Roux de la Haute Loire voisine, qui se prononce contre sa consommation (11), ainsi qu’aux médecins spécialistes en toxicologie clinique qui déconseillent strictement la consommation des gyromitres, qu’ils soient frais ou séchés.









*Le médecin dont il est question consomme lui-même G. esculenta
**Quelques auteurs et ouvrages décrivant G.perlata : Les champignons: guide pratique (Till R.Lohmeyer/Ute Künkele, 2006) : non comestible sous le nom de G. ancilis ; ; Larousse des champignons (G. Redeuilh, G. Eyssartier, I. Masson-Deblaize, P. Joly, 2004) : sous le genre Discina considéré comme toxique car proche des gyromitres, les auteurs insistent sur le risque de confusion avec Disciotis venosa ; Sélection Reader Digest (Becker/Redeuilh, 1982) : abstention de consommation ; Miller (1972) : comestible ; Pilàt (1959) : comestible.
*** [/b]Nous n’avons pas abordé dans ce sujet le plus rare Gyromitra gigas (voir annexe), espèce qui contient également de la gyromitrine (8). Tout laisse à penser qu’il est confondu avec G. esculenta, et donc parfois consommé. Tout comme G. esculenta, le principe de prévention s’impose et l’on ne peut qu’inciter les mycophages à ne plus consommer tous les gyromitres qui présentent des caractères macroscopiques ressemblant à ceux de Gyromitra esculenta.



Annexes :

1 Tableau de recrutement des consommateurs de G. esculenta :
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*En ce qui concerne les conseils que donnent ou donneraient les pharmaciens à d’éventuels clients mycophages, il est intéressant de noter qu’ils semblent dépendants de la présence ou non de Gyromitra esculenta sur leurs zones d’influence.

Ainsi dans les villes ou Gyromitra esculenta n’est pas consommée, les 3 pharmaciens questionnés déconseilleraient la consommation du champignon, alors que sur les communes ou culturellement on mange ce champignon, une majorité des pharmaciens questionnés conseillent ou conseilleraient (avant discussion) le séchage ou plus souvent une cuisson longue avec rejet de l’eau. Le fait de manger ou non des gyromitres semble ici plus dépendre de leur présence et des vieilles habitudes, plutôt que des dernières connaissances acquises sur la toxicité du champignon.

Sur 16 officines visitées directement ou contactées par téléphone, 5 déconseillent strictement la consommation sous quelque forme que ce soit. Parmi ces 5 pharmacies, 3 se trouvent dans une zone de récolte de Gyromitra esculenta (le nombre total de pharmaciens questionnés est de 20).

Il est à noter que tous les pharmaciens interrogés sont en fait très peu sollicités pour déterminer des récoltes de gyromitres. La grande majorité d’entre eux insistent sur le fait qu’il s’agit d’une consommation « d’initiés » qui connaissent « bien » ce champignon, et le consomment de longue date, sans demander conseil à personne.






2 Teneur en MMH de divers Discomycètes (8) *
(Les désignations et les autorités sont celles qui figurent dans la publication originale)
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*Selon la classification de Dennis (1978)
** (--) = MMH non détectée

On retrouve également la toxine chez :

Gyromitra gigas et Gyromitra fastigiata.

Les auteurs précisent que la teneur en gyromitrine fluctue en fonction de l’altitude. Plus l’altitude est élevée, moins les Gyromitres contiennent de toxine.


3 Gyromitra gigas (Kromboltz) Cooke 1878 :

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Très proche sur le plan macroscopique de G.esculenta, G.gigas est souvent plus clair (brun-marron à brun-ocre), ses plis sont plus grossiers. Ils peuvent être facilement confondus compte tenu de l’importante variation de couleurs et de tailles que peut présenter G. esculenta.



Genres et espèces cités :


Noms latins/Noms français




Boletus aereus= cèpe tête de nègre
Boletus aestivalis= cèpe d’été
Boletus edulis= cèpe de Bordeaux
Boletus pinophilus= cèpe des Pins
Cantharellus amethysteus= chanterelle améthyste ; girolle améthyste
Cantharellus cibarius= girolle, chanterelle
Cantharellus subpruinosus= chanterelle presque pruineuse ; girolle presque pruineuse
Craterellus cinereus= chanterelle cendrée
Craterellus cornucopiodes= trompette-des-morts ; corne d’abondance
Disciotis venosa= pézize veinée ; oreille de cochon
Gyromitra esculenta= gyromitre comestible ; morille noire ; fausse morille
Gyromitra gigas= gyromitre géante
Gyromitra perlata= gyromitre perlée ; oreillette ; morille plate
Mitrophora semilibera = morillon ; mitrophore à demi-libre
Morchella= morille
Verpa bohémica= verpe de bohême
Verpa conica= verpe conique


Sources et liens utiles :


(1) Existe-t-il un syndrome neurologique d’intoxication par les morilles ? Analyse des données des Centres Antipoison et de Toxico vigilance 1976-2007 par Philippe Saviuc du CTV de Grenoble, et Patrick Harry du CAPTV d’Angers ; URL

(2) Microdosage spectrofluorimétrique sur couches minces de la monométhylhydrazine chez Gyromitra esculenta par C. Andary G. Privat et M.J. Bourrier (Journal of Chromatography, 287 (1984), 419-424)

(3) Toxicologie industrielle et intoxication professionnelles par Robert R Lauwerys, Vincent Haufroid, Perrine Hoet, Dominique Lison

(4) Les Syndromes toxiques par Patrick Boiron laboratoire de mycologie, Université de Lyon 1

(5) Intoxication par les champignons : syndromes majeurs par P Saviuc, F Flesch, V Danel (Encyclopédie Médico-Chirurgicale)

(6) Les intoxications par Gyromitra esculenta par Didier Michelot

(7) Pyrénées : l’année des gyromitres par Guy Fourré (Bulletin de la SMF, mars 2010)

(8) Teneur en toxine et inconstance de l’intoxication gyromitrienne par C. Andary, M.-J. Bourrier et G. Privat (Bulletin SMF, t. 100, fasc.4, 1984).

(9) Décret du JO du 11 octobre 1991, interdisant la mise en vente des gyromitres.

(10) Guide des champignons de France et d’Europe (Régis Courtecuisse et Bernard Duhem)

(11) 1000 et un champignons (Pierre Roux)


Remerciements :

Je remercie le Dr Corine Pulce du Centre Antipoison de Lyon pour son aide. Mes remerciements vont également vers le Dr Philippe Saviuc du Centre de Toxicovigilance de Grenoble, pour sa disponibilité téléphonique, pour les articles qu’il m’a fait parvenir, ainsi que pour le temps consacré à la relecture de ce travail. Ses ajouts l’ont enrichi, sans en complexifier le contenu, afin que ce sujet puisse être facilement abordé par le plus grand nombre. Merci à Rémi Péan, Alexandre Molière et Jean Pierre Dechaume qui m’ont incité à rédiger cet article et aidé, par leur soutien, à le mener à terme. Merci enfin à Guillaume Péan pour la disponibilité dont il a fait preuve afin de palier à mes lacunes en informatique, et le temps qu’il a consacré à faciliter la mise en page de ce sujet sur MycoDB


27 Mai 2010, 01:32
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Inscription: 24 Novembre 2008, 00:53
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Message Re: Consommation des gyromitres dans le Cantal
Beau travail.
Merci Gérard.


28 Mai 2010, 21:32
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