Les langues de la Terre...

On les a attendus tout un hiver, tout un printemps, et l'été revenu, ils ne sont pas venus...
et le mycologue est triste.
C'est une chanson à peine retouchée qui nous irait bien, même si la tristesse nous est étrangère.
Tant nous savons qu'il ne faut rien attendre, mais tant de rencontres, de rendez-vous inespérés et pourtant souhaités, et toutes ces occasions joyeuses...
L'hiver, la fin de la saison officielle, celle qui ne nous préoccupe plus guère après tant d'années, l'hiver le début la fin. Tout dépend encore où l'on vit, et je me demande souvent comment ça se passe dans le sud, sans le gel, le froid, pas de saisons.
J'attends la fin d'octobre, tout novembre, pour les voir sortir, les langues de la Terre, puisque j'ai des prairies sous mes fenêtres où elles se mettent à discuter avec les hygrocybes colorés et les entolomes bleus.
Je les connais depuis peu d'années, il faut tomber à genoux pour les voir, ou s'asseoir dans l'herbe moussue. Les années humides, trop d'herbe, les années sèches, ou les grands froids les atteignent, leur laissent peu de temps à vivre.
Passer au bon moment, retrouver les quelques mètres carrés où dépassent les deux centimètres de leurs têtes noires ou brunes, c'est bien comme une récompense.
Cette année, je n'en ai que 3 espèces, 2 géoglosses et 1 microglosse.
Geoglossum glutinosum, toujours tardif, mais moins frileux, protégé par sa gaine visqueuse.Spores triseptées en général, paraphyses à tête en poire.

Geoglossum fallax, le trompeur, ressemblant à Geoglossum cookeanum ou à Geoglossum nigritum ( umbratile ), à spores presque jamais mûres ( colorées ), paraphyses courbes, articulées.

Microglossum olivaceum, ses spores sont hyalines, caractéristique du genre Microglossum.
Je l'avais trouvé il y a près de 20 ans, sans savoir, et l'avais envoyé à un mycologue averti... que ça n'a pas intéressé, il ne m'a pas répondu.
Je suis sûr que c'était ce champignon.
Il y a 2 ans, je l'ai revu, un peu plus loin, pourrissant... trop tard.
L'an dernier et cette année, le revoilà, superbe, précis au centimètre, nombreux... merci.
Il y en a d'autres, comme Geoglossum nigritum, barlae, Thuemenidium atropurpureum, que j'ai vus en 2007-2008... L'année prochaine peut-être.
Sinon, nous avons encore en très petit nombre, ailleurs, Geoglossum sphagnophilum et Trichoglossum hirsutum, en milieu humide.
Les spécialistes français que je connais sont Jean Paul Priou et Jean Marc Moingeon.
Leurs travaux nous aident.
Laissez-vous aller à parler avec la terre cet hiver...
jean pierre

Merci pour ces langues de terre, je vais de ce pas, essayer de retrouver deux espèces qui poussaient en mélange sur terre calcaire, et que je n'ai pas revu depuis au moins 15 ans.

Jean-Luc

Bonjour Jean-Pierre,

Avant de parler champignons, juste un mot sur le motif premier de mon inscription au forum, car le hasard en est plaisant :
Je me suis réveillé hier avec dans la tête une très vieille chanson de ma jeunesse, et j’en ai tapé les premières paroles . Google m’a amené sur cette page de votre base de données, car la fiche commençait par “On les a attendus tout un hiver, tout un printemps, et l'été revenu, ils ne sont pas venus…”, et c'était la chanson que je cherchais !!!
Si tu pouvais me retrouver le titre et le nom de la chanteuse ...
Mais au delà de l'anecdote, je pense que je vais beaucoup me plaire dans vos pages ... Le niveau semble de haute volée scientifique . Bien que médecin retraité et rompu à la recherche, je n'aurai pas la prétention de mycologiser dans ces hauteurs ! Je dois avouer être avant tout attaché aux formes et couleurs, et mycophage impénitent, soucieux de nouvelles saveurs et découvertes .

En ticket d'entrée, un curieux ascomycète qui semble apprécier les supports inondés, agrandi en cartouche : Leotia ? fin juin 2018, un fossé en forêt d'Aitone, 20126 Evisa

Bienvenue sur mycodb
Un certain nombre de mycologues corses sont membres de mycodb.
Un congrès de la SMF a eu lieu en Corse (1972 ?) et certaines photos de Jean Mornand présent à cette session figurent sur le site.
A bientôt pour de belles découvertes.
Rémi

Je réponds d'abord sur le champignon,
il s'agit de Mitrula paludosa, bien présente dans le Morvan et ses tourbières, mais absente en de nombreuses régions,
Merci pour cette présentation fort sympathique.
jean pierre

J'ai dû faire une recherche, je ne savais plus qui chantait... et je ne connaissais que le refrain... Allez, on chante...

Frida Boccara
ON LES A ATTENDUS


On les a attendus
Tout un hiver, tout un printemps
Et l'été revenu
Ils ne sont pas venus
Et le village est triste
On n'a pas vu l'artiste.

Dans la ruelle vide
Les enfants ne jouent pas.
Seul le soleil déride
Les oiseux et les chats
Et l'unique boutique
N'illuminera pas

Y'aura pas la parade
Pas de filles au cerceau
Pas de cheval arabe
Pas de plumes au vélo
Pourtant l'année dernière
On avait fait des frais
Y'avait mille lumières
C'était presque complet.

On les a attendus
Tout un hiver, tout un printemps
Et l'été revenu
Ils ne sont pas venus
Et le village est triste
On n'a pas vu l'artiste.

Le cirque a pris je crois
D'autres routes plus riches
On dit même tout bas
Qu'il est parti là-bas
Reste encore au café
Son nom sur une affiche
Et des étoiles d'or
Que rien n'effacera

On les a attendus
Tout un hiver, tout un printemps
Et l'été revenu
Ils ne sont pas venus
Et le village est triste
On n'a pas vu l'artiste.

Aux dernières nouvelles
Ils ne reviendront pas
Faut souffler la chandelle
Y'aura plus de galas
Sur la place publique
On ne dansera pas

Un an sans ritournelles
Un an, un an déjà
Y'a des filles si belles
Qui n'épouseront pas
Les gars sont à la ville
Et la joie est ailleurs
Les temps sont difficiles
Et la terre se meurt

On les a attendus
Tout un hiver, tout un printemps
Et l'été revenu
Ils ne sont pas venus
Et le village est triste
On n'a pas vu l'artiste.
Et le village est triste
On n'a pas vu l'artiste
Et le village est triste
Triste...
Triste...

Merci infiniment .

Il est des chansons qui, comme des parfums, déclenchent des souvenirs par ailleurs inaccessibles et c'est le cas de celle ci après plus de cinquante ans ...
Mais pour en revenir à l'attente des saisons (à champignons), je prendrai le temps d'ouvrir un jour un sujet sur l'étonnant décalage Nord/Sud dans l'apparition des espèces, et son évolution au fil des années ... Ainsi, la sécheresse l'année dernière en Corse fut si intense que les mycelia, privés d'automne,(pas une amanite...) ont eu un sursaut printannier très atypique avec p. ex. A. Spissa en fin mai ! J'ai attendu les champignons tout un automne, et tout un hiver !