Rien que pour le plaisir, bleu coton, par Alain BRISSARD
Quand on associe deux passions, en l’occurrence ici la mycologie et la microscopie, je peux vous certifier que cela devient un réel plaisir.
Mon propos, au demeurant sans prétention, a pour seul but de vous présenter un colorant majeur en mycologie et d’en justifier son utilisation. Il s’agit du bleu coton. Les illustrations jointes à cet article vous convaincront, je l’espère.
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Quelques mots au sujet du dit colorant En microscopie les biologistes ont toujours fait appel plus ou moins empiriquement à des colorants et des réactifs pour mettre en évidence des structures cellulaires.
On distingue sous le vocable de colorant toute substance chimique colorée capable de transmettre sa coloration à d’autres corps. En mycologie microscopique le bleu coton et le rouge Congo sont les deux colorants à posséder obligatoirement.
Qu’est-ce qui se cache sous l’appellation « bleu coton » ? A vrai dire le bleu coton C-4B est du bleu de méthyle (attention à ne pas confondre avec le bleu de méthylène). Chimiquement c’est un dérivé sulfoné du triphénylméthane qui répond à la « simple » formule ci-dessous :
Fichier(s) joint(s):
formule.jpg [ 55.24 Kio | Vu 15512 fois ]
D’après J. Charbonnel « Les réactifs microchimiques tome 2 p. 48 ». (3 noyaux A,B,C liés à un seul carbone).
Ce colorant acide présente une affinité particulière pour les structures à caractère basique. C’est le colorant le plus adapté à la mycologie parce qu’il est spécifique de la callose (un des principaux constituants des membranes de certaines spores et des parois des hyphes fongiques).
Pour la référence internationale en matière de colorant le bleu coton a pour n° 42780 sur le Code Index.
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Comment l’utilise-t-on ?Le plus souvent il s’utilise sous deux types possibles de préparation :
• le bleu coton au lactophénol
• le bleu coton lactique
Pour les modalités d’obtention de ces deux préparations se référer à la fiche technique de Baar-Lecomte (cf. la rubrique « Pour en savoir plus » ci-dessous). Pour les mycologues amateurs il est bien plus simple de passer directement une commande.)
L’acide lactique préserve les structures fongiques. L’ajout de phénol a pour objet de tuer les micro-organismes éventuellement présents ce qui permet une bonne conservation de la préparation. Toutefois le phénol est un produit toxique à manipuler avec précaution, sous hotte, si on souhaite obtenir soi-même le bleu coton au lactophénol. Avec le bleu coton au lactophénol, le matériel peut être conservé plusieurs mois en lutant la préparation avec du vernis à ongle (2 couches sont utiles). Pour des observations à court terme le bleu coton lactique suffit et ne présente pas l’inconvénient d’être incommodant par l’odeur forte du phénol.
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Quelques exemples concrets de son utilisationMes exemples seront pris dans la classe des pézizomycètes :
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1er exemple : L’ornementation de certaines spores constitue de véritables œuvres d’art naturelles :
# cas des tubercules de la paroi des spores de
Genea fragrans (petite pyronematacée hypogée.)
Image de gauche # cas du réseau fortement cyanophile de l’enveloppe des spores de la commune pézize orangée (
Aleuria aurantia)
Image de droiteFichier(s) joint(s):
Genea fragrans-et-Aleuria aurantia.jpg [ 141.88 Kio | Vu 15510 fois ]
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2ème exemple : Nombreuses sont les pézizes brunes où les confusions sont possibles et où le contrôle microscopique est indispensable ( le même problème se pose pour le groupe des pézizes plus ou moins violettes). L’examen de l’ornementation sporale est un moyen de trancher d’autant que la dimension des spores peut se trouver dans la même fourchette de taille (15-21 x 8-12 µm).
# La très commune
Peziza badia possède des spores dont l’ornementation se présente sous forme de petites veines anastomosées en réseau plus ou moins parfait particulièrement bien révélées par le bleu coton.
Image de gauche # Moins fréquente
Peziza badioconfusa (=
Peziza phyllogena) est macroscopiquement confondue avec la précédente mais est facilement identifiée grâce à ses spores finement verruqueuses .
Image du centre # De couleur brun sombre, brun cognac et d’écologie différente
Peziza echinospora peut-être objet de confusion si on ignore son habitat. Là encore l’examen microscopique rend un verdict satisfaisant.
Image de droiteFichier(s) joint(s):
Peziza badia, badioconfusa, echinospora .jpg [ 88.26 Kio | Vu 15512 fois ]
• Un autre exemple, non illustré ici, où la mise en évidence de l’ornementation des spores est un exercice incontournable pour la détermination des espèces. C’est celui du genre
Scutellinia. L’observation se fait dans du bleu coton lactique à chaud.
A B.
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Pour en savoir plus La liste ci-jointe est loin d’être exhaustive et peut constituer une aide à ceux qui désirent un prolongement à ce petit article.
• Les réactifs microchimiques Tome 2 de J. Charbonnel (plus particulièrement p.48 et p.63à84)
• Article de M. Lecomte paru dans Spécial Champignons n° 43 p. 47 (Oct.-Nov 2004)
• Sur le Net avec les moteurs de recherche, il suffit de taper « le bleu coton (colorant) » pour obtenir des sites ou des fiches techniques.